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Point de vue de partenaires

Le taux d’inoccupation des logements locatifs à un niveau famélique en région

21 mai 2023

Paul Cardinal

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a récemment publié les résultats de sa dernière enquête sur le marché locatif[1] qui a été réalisée à l’automne 2022. On y constate que, loin de se résorber, la crise du logement s’amplifie. Pour l’ensemble de la province, le taux d’inoccupation des logements locatifs a diminué de 2,5 % en 2021 à 1,7 % en 2022. Il s’agit du taux le plus bas en 18 ans.


Ce taux d’inoccupation chute à seulement 1,1 % si on retire la région métropolitaine de Montréal de l’équation (où le taux d’inoccupation atteignait 2 %), ce qui est loin du seuil de 3 % généralement reconnu comme correspondant à un marché locatif équilibré. Le tableau ci-dessous montre les taux d’inoccupation dans les principaux centres urbains. On y constate, entre autres, que la proportion de logements inoccupés est inférieure à 1 % dans les régions métropolitaines de Saguenay, Gatineau, Trois-Rivières et Sherbrooke, de même que dans les agglomérations de Drummondville, Granby, Rimouski, Shawinigan, Alma, Baie-Comeau, Sainte-Adèle, Joliette, Rivière-du-Loup, Rouyn-Noranda, Saint-Georges, Sorel-Tracy, Salaberry-de-Valleyfield et les Îles-de-la-Madeleine.

Consulter ici le tableau du taux d'inoccuppation des logements locatifs d'initiative privée Province de Québec, Centres de plus de 10 000 habitants, Octobre 2022





La croissance de la demande a nettement surpassé celle de l’offre

Un des principaux facteurs à l’origine de la forte augmentation de la demande pour des logements locatifs provient de la hausse de la migration nette et, en particulier, du nombre de résidents non permanents[2] (voir Figure 1). Ces derniers, en raison de leur statut temporaire, ont une très forte propension à être locataires à leur arrivée. La bonne tenue du marché de l’emploi chez les jeunes et l’inabordabilité des habitations pour propriétaires-occupants ont également joué un rôle important. Avec l’envolée du prix des propriétés des dernières années et la forte hausse des taux hypothécaires des derniers mois, les premiers acheteurs se font plus rares, eux qui libèrent généralement des logements locatifs en accédant à la propriété.


Force est de constater que le rythme auquel on a construit de nouveaux logements locatifs au cours des dernières années n’a pas été suffisant pour combler la demande vigoureuse. La construction locative s’est pourtant nettement accélérée, culminant à un niveau record de plus de 35 600 unités en 2021 (voir Figure 2). Par contre, la tendance a commencé à s’inverser en raison de la remontée drastique des taux d’intérêt. Les mises en chantier de logements locatifs ont fléchi de 13 % en 2022 et, selon nos plus récentes prévisions, elles reculeront d’environ 30 % en 2023. Toutefois, il faudrait plutôt augmenter la cadence, un constat partagé par la SCHL : « Ces résultats soulignent l’urgence d’accélérer l’offre de logements afin d’améliorer l’abordabilité du logement pour la population canadienne »[3].




Davantage de pressions sur les loyers

Puisque les prix sont toujours un reflet de la rareté, il va sans dire que les pressions sur les loyers s’accentuent. Toujours selon la SCHL, qui mesure aussi les variations de loyer moyen, à l’échelle de la province, un logement de deux chambres se louait 5,4 % plus cher en 2022 qu’en 2021. Il s’agit de la plus forte hausse en 20 ans. Les augmentations de loyer dépassent même les 6 % dans des centres comme Gatineau, Sherbrooke, Granby, Thetford Mines, Rouyn-Noranda et Sept-Îles.  

La rareté du nombre de logements vacants n’a pas seulement entraîné de plus fortes pressions sur les loyers. Elle a aussi eu pour effet d’inciter davantage de locataires à ne pas déménager. Les locataires sont conscients que lorsqu’un logement est libéré, le propriétaire peut rajuster le loyer selon le marché ou encore faire des rénovations.

La crise du logement a peu de chances de se résorber rapidement

Étant donné que le Québec connaît une pénurie généralisée de main-d’œuvre, les entreprises cherchent à recruter des travailleurs d’autres pays. Qu’ils soient ici de manière permanente, temporaire ou même saisonnière, il faudra forcément les loger. La demande est donc appelée à demeurer forte au cours des prochaines années.

À moins que les gouvernements (y compris les municipalités) ne déploient des mesures vigoureuses afin de stimuler la construction de logements locatifs, il est probable que l’offre peinera à suivre la demande, et ce, même avec une baisse modérée des coûts de financement une fois la lutte à la pire poussée inflationniste que le pays connaît en 40 ans achevée. La rareté des terrains, les règles de zonage de plus en plus sévères et le lourd fardeau d’exigences réglementaires auxquelles les promoteurs font face freinent le développement de nouvelles unités locatives. Et encore faut-il que les nouveaux logements soient financièrement accessibles à la population, ce qui est particulièrement difficile avec l’envolée importante des coûts de construction à la suite de la pandémie. C’est pourquoi, à notre avis, les municipalités devront aussi envisager d’autres options afin d’augmenter l’offre de logements abordables, comme favoriser l’implantation de logements accessoires (par exemple dans les sous-sols, des annexes aux propriétés actuelles et même des minimaisons en arrière-lot). Vous pouvez consulter l’ensemble des recommandations de l’APCHQ visant à combler le déficit de logements dans le document Consultations prébudgétaires 2023-2024.              

En conclusion, on comprend rapidement de cette courte analyse que la possibilité, pour les nouveaux arrivants, de trouver ou non un logement selon leur capacité de payer deviendra de plus en plus un enjeu pour le développement économique des régions.

[1] L’enquête porte sur les logements locatifs d’initiative privée dans les centres urbains de 10 000 habitants et plus.

[2] Les résidents non permanents sont des personnes provenant d’autres pays dont le lieu de résidence habituel est le Canada et qui sont titulaires d’un permis de travail ou d’un permis d’étude ou qui ont demandé le statut de réfugié. 

[3] SCHL, Rapport sur le marché locatif, janvier 2023.

À propos de l’APCHQ

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) regroupe 20 000 entreprises au sein de 13 associations régionales. Elle travaille dans l’intérêt de ses membres pour répondre aux enjeux en matière de qualité de construction, de défis environnementaux et de besoins en habitation.