CERAMIQ : un concentré d’expertise panquébécoise
21 mai 2023
Paul-Antoine Martel
Depuis quelques années maintenant, la pénurie de main-d’œuvre est citée comme un obstacle au développement et une menace à la vitalité et au maintien de certaines communautés. Parmi les solutions mises de l’avant pour pallier au manque de travailleuses et travailleurs: le recours à la main-d’œuvre immigrante.
Afin de soutenir les employeurs, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) a développé toute une série d’initiatives, parmi lesquelles on retrouve le Programme d’appui aux collectivités (PAC). Mis en place à l’automne 2020, le PAC s’adresse aux entités municipales (villes, MRC), aux organismes à but non-lucratif et aux coopératives. Ce programme ne finance pas des mesures d’accompagnement direct des personnes, mais plutôt celles destinées à développer la capacité d’action des collectivités afin qu’elles deviennent des milieux de vie attrayants, accueillants et propices à l’enracinement des personnes issues de l’immigration.
Ainsi, des dizaines de municipalités, de MRC et d’organismes ont sauté sur l’occasion (et sur le financement) pour élaborer une stratégie d’attraction-accueil-enracinement, avec pour résultat l’embauche d’une multitude d’agentes et d’agents ayant reçu le mandat de mobiliser leur milieu, de poser un diagnostic sur les défis, d’élaborer une planification et de déployer certaines mesures d’inclusion. Comme le tout s’est passé en moins de deux ans, bon nombre de ces nouvelles ressources humaines n’avaient que peu ou pas d’expérience dans le dossier de l’immigration, voyaient cette tâche s’ajouter à d’autres, parfois nombreuses.
La naissance du CERAMIQ
Printemps 2020. La pandémie de COVID-19 et son cortège de mesures de distanciation libèrent bien du temps dans l’agenda de certaines personnes. Qui plus est, l’impossibilité de tenir des rencontres en présentiel permet le développement des techniques de visioconférence, ce qui a parfois pour effet d’abolir les distances. Le Groupe d’expertise pour le développement des cités interculturelles au Québec (GEDCIQ) saute dans le train des rencontres virtuelles pour maintenir le contact avec les participantes et participants à ses chantiers de travail sur divers sujets liés à l’inclusion des personnes immigrantes. Constatant que les réalités des petits milieux peu habitués à recevoir des gens venus d’ailleurs sont peu mises de l’avant lors de ces rencontres, deux personnes se manifestent indépendamment auprès du GEDCIQ, qui les met en contact en leur suggérant de définir quels seraient les besoins de ces milieux. Au fil des discussions, elles en viennent à souhaiter la mise en place d’une communauté de pratique, soit un groupe d’échange visant la diffusion de connaissance, le perfectionnement, le ressourcement.
Une première rencontre, sous forme d’atelier participatif, a lieu en mars 2021. La réponse est bonne : en moins d’un mois, 35 personnes deviennent membres, et un comité de gestion est formé. Rapidement, un nom est trouvé, et on organise le premier « Café entre collègues », une rencontre virtuelle au cours de laquelle on discute d’un sujet principal tout en ayant l’occasion de nouer des liens avec des gens qui font le même métier que nous.
Dès le début, les commentaires des membres sont presque unanimes : on remercie le CERAMIQ de générer de l’inspiration et de la confiance, voire de la compétence. Des liens se créent entre des gens séparés par des centaines de kilomètres, mais qui partagent les mêmes types de chantiers et de difficultés. Bien que les Ceramistes ne soient pas (encore) des experts, la somme de leurs savoirs pourrait remplir le meilleur des modes d’emploi.
L’erre d’aller
Deux ans pile après sa mise en place, le CERAMIQ compte quelque 140 membres à l’œuvre dans des municipalités, des MRC, des Carrefours jeunesse emploi et des services d’accueil des nouveaux arrivants. Neuf « Cafés entre collègues » ont été tenus, réunissant de 20 à 35 personnes chaque fois pour un 90 minutes rondement mené. Parallèlement, un groupe d’échange sur la plateforme Facebook a été créé, et ses membres peuvent répondre à toute question sur l’AAE bien mieux qu’une intelligence artificielle ne pourra jamais le faire.
Enfin, le CERAMIQ entretient des liens avec différents partenaires, dont le GEDCIQ, complice de la première heure, notamment pour l’élaboration de capsules d’autoformation, ainsi que la Fédération québécoise des municipalités et Emplois en régions.
Au cours des prochains mois, les membres réfléchiront ensemble aux ingrédients qui composent une communauté accueillante à l’occasion d’une série de rencontres virtuelles. Autre objectif : hausser le nombre de membres, pour augmenter les compétences collectives et réaliser le rêve à la fois si fou et si réaliste de faire du Québec une terre d’accueil pour quiconque choisit de s’y enraciner. Ce dernier point est central dans chaque démarche du CERAMIQ : nous accueillons des humains et cherchons à maximiser leur épanouissement, et non de la main-d’œuvre dont on veut presser le citron de la productivité.
Merci à celles et ceux qui animent cette communauté depuis ses débuts : Joëlle Roy-Boulanger, Sonia Champagne, Roukayatou Abdoulaye et Maude Grenier. Merci aussi à Bianca Pirozzi (l’étincelle), Nadine Ducharme et Chakib Ahmimed qui ont aidé à lancer le projet. Nous pourrions prétendre que toutes et tous ont travaillé avec acharnement et sans compter les heures à travers des épreuves horribles, mais ce serait faux : tout se passe dans le plaisir, l’efficacité et la bonne entente, voire la facilité, sans rien sacrifier à la rigueur ni à l’efficacité. C’est peut-être ça, la recette du CERAMIQ.
Par Paul-Antoine Martel, Conseiller en relations avec les milieux, Ville de Val-d’Or
*Sur la photo : Quelques membres du CERAMIQ se rencontrent en personne pour la première fois à l’occasion du Forum sur la régionalisation de l’immigration, organisé par Emplois en régions, en septembre 2022