La nécessaire concertation !
28 septembre 2022
Sylvie Lemieux
Ces
dernières années, les régions ont déployé beaucoup d’efforts pour accueillir
davantage de personnes immigrantes sur leur territoire. Pour Emplois en
régions, il s’agit d’un travail qui ne peut se faire sans une concertation
entre tous les acteurs du milieu, qu’ils soient des secteurs institutionnel,
municipal, communautaire et privé, un élément clé pour favoriser l’enracinement
de ces nouveaux citoyens et développer des relations gagnantes avec l’ensemble
des parties prenantes impliquées.
Le MIFI : une présence renforcée en région
Face à la pénurie de main-d’œuvre qui touche l’ensemble des régions, le gouvernement du Québec souhaite plus que jamais attirer davantage de personnes immigrantes hors de la Communauté métropolitaine de Montréal. À partir de 2019, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration a réalisé un grand déploiement régional et ainsi, il peut s’appuyer maintenant sur le travail de 74 conseillères et conseillers en immigration régionale (CIR) et 86 agentes et agents d’aide à l’intégration (AAI), au sein de neuf directions régionales et 74 antennes, pour atteindre cet objectif.
Les CIR et les AAI travaillent en concertation avec les réseaux de partenaires pour mettre en œuvre des projets favorisant l’attraction et l’établissement durable des personnes immigrantes. « La collaboration procure une meilleure force de frappe régionale, explique Marc Simard, directeur régional Saguenay–Lac-Saint-Jean et Côte-Nord. Dans un premier temps, on a sondé les besoins pour se coller à la réalité des régions. Certaines avaient déjà créé un bon réseau de collaboration entre les différents partenaires, d’autres étaient moins avancées. L’objectif, c’est d’y aller au rythme de chacune. »
Pour le MIFI, ce qui est important actuellement est de constater une progression constante dans le nombre de personnes qui s’établissent dans les différentes régions du Québec. « On pose des actions pour en avoir plus. On veut également contribuer à leur enracinement, explique-t-il. Pour cela, il faut faire en sorte de briser les barrières entre elles et la population locale. On soutient donc les organismes d’intégration qui peuvent faire une différence en proposant différentes activités, que ce soit des soupers thématiques, des rallyes sur un thème culturel, pour faire se rencontrer les gens. »
Le MIFI a aussi
travaillé de très près avec trois municipalités régionales de comté (MRC) du
Lac-Saint-Jean, soit Domaine-du-Roy, Lac-Saint-Jean-Est et Maria-Chapdelaine,
pour mettre en place un plan d’action pour favoriser l’attraction et
l’intégration des personnes immigrantes. « Nous les avons accompagnées dans
cette démarche. Il y a eu plusieurs rencontres pour finaliser le document qui a
été déposé récemment. En s’unissant, les trois MRC ont pu avoir une vue
d’ensemble de leurs besoins et développer les stratégies appropriées pour se
démarquer comme territoire », explique M. Simard.
Des canaux de communication efficaces dans les Laurentides
Les personnes immigrantes représentent 4,4 %1 de la population de la MRC des Laurentides. « Le fait est méconnu, mais on compte une trentaine de communautés ethnoculturelles sur notre territoire », explique Marilyn Vaillancourt, qui était jusqu’à récemment chargée de projet immigration et emploi à la Corporation de développement économique (CDE) de la MRC des Laurentides.
C’est elle qui était chargée de la mise en œuvre du programme d’appui aux collectivités mis de l’avant par le MIFI. Le rôle de ce poste est de faire connaître les différents services offerts par les organismes du territoire aux personnes immigrantes et aux employeurs. « Je suis comme un carrefour giratoire, lance Marilyn Vaillancourt en riant. En fonction des besoins exprimés, que ce soit de l’aide pour trouver un logement ou des cours de francisation, je peux les diriger vers les bonnes ressources. »
La concertation entre toutes les parties prenantes est donc essentielle. « Avec tout ce qu’il y a à faire, il faut s’assurer de ne pas travailler en double », explique Mme Vaillancourt.
Pour faire circuler l’information, il y a des échanges qui se font sur une base régulière. « On se parle souvent, parfois chaque semaine », précise-t-elle. Une table de concertation locale a également été mise en place qui regroupe une dizaine de personnes œuvrant dans les différents organismes régionaux, comme le Centre d’orientation et de formation pour favoriser les relations ethniques traditionnelles qui aide à l’intégration des personnes immigrantes ou le Centre d’intégration en emploi Laurentides, qui offre des services spécialisés en intégration socioprofessionnelle des nouvelles et nouveaux arrivants. « On se rencontre de huit à dix fois par année, souligne Mme Vaillancourt. C’est un autre canal de communication important pour traiter des différents enjeux et créer les conditions favorables à l’établissement des personnes immigrantes. »
C’est autour de cette
table que les participantes et participants ont identifié des thématiques
d’ateliers de formation utiles pour les employeurs. Parmi les sujets qui ont
été abordés, mentionnons : Introduction à la diversité culturelle,
Immigration 101 : comment bien accueillir vos travailleurs immigrants et comment accueillir les accommodements des travailleurs immigrants.
La Côte-Nord, une destination de plus en plus choisie
Les personnes immigrantes se font de plus en plus nombreuses dans la MRC Manicouagan. « On vit un boom intéressant puisqu’on dépasse nos cibles chaque année. On visait en attirer 35 en 2021-2022, mais on devrait atteindre le chiffre de 75 d’ici la fin de l’année », affirme Chantale Chénard, coordonnatrice des services aux immigrants chez Émersion service-conseil en emploi. L’organisme, en plus d’aider les chercheurs d’emploi, accompagne les personnes immigrantes dans leurs démarches d’installation sur le territoire de la MRC dont la ville-centre est Baie-Comeau.
À quoi attribuer ces bons résultats ? « La concertation, c’est la force de la région, affirme Chantale Chénard. Favoriser l’établissement durable des personnes issues de l’immigration sur notre territoire, c’est un défi collectif. Depuis le début, on travaille donc en étroite collaboration avec les partenaires locaux. »
Ainsi, chaque année, Émersion participe à trois salons de l’emploi à Montréal avec Destination Côte-Nord, qui fait la promotion de l’offre touristique de la région. « Chaque fois, entre 100 et 200 personnes se disent intéressées par notre région, dit-elle. On fait ensuite le suivi avec elles. Toutes ne viennent pas s’installer chez nous, mais on réussit à en convaincre quelques-unes. »
En 2021, plusieurs intervenantes et intervenants de la région se sont regroupés pour créer un pôle d’attractivité de la main-d’œuvre dans la Manicouagan. La Chambre de commerce et d’industrie de Manicouagan, la Ville de Baie-Comeau, la MRC de Manicouagan, Émersion, Tourisme Côte-Nord, Innovation et Développement Manicouagan, entre autres, travaillent ensemble pour trouver des solutions aux différents enjeux liés à la venue de nouveaux travailleurs dans la région, comme l’accès à un logement ou à une place en garderie. « On a un des taux de postes vacants parmi les plus élevés au Québec, explique Chantale Chénard. Cette mobilisation fait déjà une différence. »
Pour mieux faire connaître les avantages de la région de la Haute-Côte-Nord et les possibilités d’emplois, la MRC, en collaboration avec Émersion, offre depuis six mois la possibilité aux candidates et candidats à l’immigration ou aux ressortissantes et ressortissants étrangers de faire un séjour exploratoire d’une à deux journées, dont les frais sont payés en bonne partie voire en totalité. Ils ont alors l’occasion de rencontrer des employeurs. « La formule a du succès. Elle répond à notre principal enjeu qui est la distance. On sélectionne les entreprises en fonction de leur profil. Il y a trois ou quatre personnes immigrantes qui ont décidé de s’installer ici après un tel séjour », précise Mme Chénard.
La concertation
déborde également des frontières de la MRC de Manicouagan. Chantale Chénard collabore
actuellement avec un organisme de Sept-Îles intéressé à mettre sur pied des
séjours exploratoires. Elle est aussi en contact avec des responsables de
Fermont qui veulent mieux structurer leurs services aux personnes immigrantes. «
Quand il s’agit d’attirer des immigrants, il n’est plus vraiment question de compétition
entre les villes », conclut Mme Chénard.
Faciliter l’enracinement en Estrie
Les forces s’organisent en Estrie pour développer des stratégies d’accueil et une trajectoire plus efficace pour faciliter l’installation des personnes immigrantes dans la région.
« Ce n’est pas toujours simple pour elles de savoir à quelle porte cogner. On a un panier de services. Certaines personnes l’utilisent en totalité, d’autres en partie seulement. Il n’y a pas un modèle unique du processus d’accompagnement qui peut s’étaler sur quelques semaines ou plusieurs mois, voire plus. C’est beaucoup du cas par cas », explique Charles-Olivier Mercier, directeur général d’Entreprendre Sherbrooke, l’organisme de développement économique qui s’est vu confier le mandat de la régionalisation de l’immigration par le MIFI.
Trouver des stratégies d’accueil pour simplifier ce parcours, c’était le thème central de la Journée des partenaires en immigration qui s’est tenue en juin dernier. Fruit d’une collaboration entre Entreprendre Sherbrooke et Vision Attractivité, elle a réuni une vingtaine d’organisations issues des neuf MRC de la région de l’Estrie. « Les personnes immigrantes s’établissent majoritairement à Sherbrooke, mais on souhaite qu’il y en ait sur tout le territoire, explique Sophie Lapointe, conseillère à la régionalisation de l’immigration à Entreprendre Sherbrooke. Notre objectif, c’est d’accompagner une soixantaine de personnes chaque année. »
« S’installer en région, c’est un projet de vie pour les personnes immigrantes et leur famille. Ce n’est pas juste une question de leur trouver un emploi. Elles ont aussi besoin d’aide pour l’intégration à l’école, trouver un médecin de famille ou un lieu de résidence qui convient à leur style de vie. Comme on est leur premier point de contact, on est là pour faire connaître l’étendue des services offerts par les différents organismes de la région. Pour cela, on a besoin de se parler entre partenaires pour comprendre le rôle de chacun. C’est essentiel pour que les personnes immigrantes se sentent bien accueillies et favoriser leur établissement durable », souligne François Desmarais, directeur Attraction, dynamisation et analyse stratégique à Entreprendre Sherbrooke.
À la suite du succès de la première Journée des partenaires — qui ne devrait pas être la dernière —, tous ont convenu du besoin d’encore mieux travailler ensemble. Il reste à définir comment s’établira cette nouvelle concertation. « On souhaite une formule plus active qu’une table de concertation pour que la communication se fasse en continu, explique Sophie Lapointe. On veut faire en sorte que ce soit simple et facile de venir s’installer dans la région. »
Emplois en régions souhaiterait tenir un registre des tables de concertation en immigration active sur le territoire du Québec. Pour ce faire, nous vous invitons à nous partager les informations de la coordination de votre table par courriel au bulletin@emploisenregions.ca
1. Selon les données du recensement de 2016.