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Réflexion sur la régionalisation des demandeurs d'asile au Québec

20 octobre 2023

Yannick Boucher

Depuis la fermeture du chemin Roxham, la question de l'accueil des demandeurs d'asile au Canada a suscité de nombreuses préoccupations. Bien que cette mesure ait été mise en place pour réguler les entrées non officielles, elle n'a pas réussi à freiner l'afflux massif de demandeurs d'asile dans le pays. Malgré un bref ralentissement, les chiffres indiquent une augmentation significative des demandes depuis juin dernier, avec 39 315 demandeurs d'asile accueillis au Canada depuis le début de l'année, dont 27 900 au Québec. Cette situation pose des défis majeurs en termes d'hébergement, d'emploi, et de services, en particulier dans la métropole montréalaise.

Face à cette réalité, les autorités fédérales ont dû collaborer avec l'industrie hôtelière pour héberger les demandeurs d'asile en pleine période estivale, notamment dans des villes comme Lacolle, Montréal, Brossard, et Laval. Cela a exacerbé les enjeux liés à l'accès à l'emploi, au logement, et aux services essentiels pour cette population.

Devant la saturation du parc locatif montréalais, nous sommes en droit de nous demander si la régionalisation de l’immigration est une option intéressante pour le Québec et pour les demandeurs d’asile qui souhaitent améliorer leur sort.

Écosystème de l’accueil des personnes réfugiées et demandeuses d’asile en région

Depuis ses débuts, la régionalisation de l'immigration au Québec implique la réinstallation des personnes réfugiées prises en charge par l'État. Actuellement, 14 villes d'accueil sont désignées à cet effet. Ces villes ont développé au fil des années une expertise particulière dans l’accueil et l’accompagnement des réfugiés qui peut en grande partie être transférable aux situations vécues par les demandeurs d’asile. Encore fait-il leur en donner les moyens.

L'accueil des réfugiés et des demandeurs d'asile nécessite avant tout une coordination étroite entre différents acteurs et services. Les organismes communautaires mandatés par le ministère de l'Immigration deviennent des acteurs clés dans le soutien à ces nouveaux arrivants. Actuellement, les services disponibles pour les demandeurs d'asile en région restent limités, bien que certains organismes communautaires proposent des services d'accueil, d'établissement (et certains même d'employabilité) avec bien peu de financement.

Malgré tout, l'accès aux services est crucial pour une intégration réussie des demandeurs d'asile, en particulier dans le contexte de la régionalisation. Il serait contre-productif de déplacer des personnes en région sans leur garantir l'accès à des services gouvernementaux essentiels, car cela pourrait compromettre leur bonne intégration et leur capacité à contribuer activement à la société québécoise.

Bien que la majorité des demandeurs d'asile se concentrent dans les grands centres urbains, le gouvernement du Québec envisage de plus en plus d'étendre la régionalisation à cette population.

Vers de multiples projets pilotes en région

En effet, le gouvernement du Québec a lancé quelques projets pilotes visant à favoriser la régionalisation des demandeurs d'asile et à répondre aux défis qui se posent. Voici deux exemples :

• Projet pilote d'accès à l'emploi à Montmagny : le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité a mis en place un projet pilote visant à faciliter l'accès à l'emploi des demandeurs d'asile dans la ville de Montmagny. Cette initiative vise à faire valoir le potentiel de main-d'œuvre offert par les demandeurs d'asile et à les intégrer dans le marché du travail local.

• Projet-pilote du MTESS et du comité sectoriel de main-d’œuvre en tourisme (CQRHT) : un projet pilote a été développé pour intégrer rapidement les demandeurs d'asile dans le secteur de la restauration, de l’hôtellerie et du tourisme en région. Ce projet vise à offrir un accompagnement et des outils de recherche d'emploi aux demandeurs d'asile (et une plateforme de jumelage avec un objectif de 1000 maillages par année), contribuant ainsi à combler les besoins de main-d'œuvre locaux.

Quel avenir pour la régionalisation des demandeurs d’asile ?

L'avenir de la régionalisation des demandeurs d'asile au Québec est empreint de défis et d'opportunités. D'une part, les projets pilotes lancés par le gouvernement démontrent une volonté d'explorer cette voie pour mieux répartir les demandeurs d’asile sur le territoire et répondre aux besoins de main-d'œuvre en région. La vie en région peut offrir des avantages considérables pour les personnes demandeuses d’asile, en plus de contribuer à la revitalisation des communautés locales.

Cependant, la réussite de ces projets dépendra de plusieurs facteurs. Tout d'abord, il est impératif d'assurer un accès équitable aux services essentiels, y compris l'emploi, le logement, la santé, et l'éducation, pour les demandeurs d'asile qui s'installent en région. Sans ces services, la régionalisation ne peut être couronnée de succès.

De plus, la mise en place d'un accompagnement adapté est essentielle pour faciliter l'intégration des demandeurs d'asile et des réfugiés dans leurs nouvelles communautés. Les projets pilotes devront être bien évalués pour s'assurer de leur efficacité et de leur impact positif sur les personnes concernées.

Enfin, il est crucial que la régionalisation des demandeurs d'asile ne soit pas seulement une réponse à la pénurie de main-d'œuvre, mais aussi à une démarche d'accueil respectueuse des droits de la personne, et de l'intégration harmonieuse de ces derniers.

Au final…

La régionalisation de l'immigration au Québec, notamment en ce qui concerne les demandeurs d'asile, est une démarche complexe qui nécessite une planification minutieuse et une collaboration étroite entre les autorités gouvernementales, les organismes communautaires, et les communautés locales.

La pénurie de main-d'œuvre au Québec peut être en partie comblée par les réfugiés et les demandeurs d'asile, qui apportent des compétences précieuses. Cependant, il est impératif de créer les conditions sociales nécessaires pour assurer une inclusion équitable. En bref, la régionalisation peut être une opportunité pour revitaliser les régions du Québec tout en offrant aux demandeurs d'asile un meilleur avenir, à condition que cette démarche soit menée de manière réfléchie et solidaire.

Sources :

1. https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/refugies/demandes-asile/demandes-asile-2023.html

2. Informations recueillies auprès du ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada, en date du 17 juillet : 10 hôtels pour 794 chambres de réservés pour loger les demandeurs d’asile.

3. https://cqrht.qc.ca/initiatives/projet-maillage-demandeurs-d-asile/