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Plonger dans l’écosystème de l’entrepreneuriat au Québec

08 mars 2023

Anne-Marie Tremblay

Quand il a lancé son entreprise, Label Atlas, en 2020, Abdellah Ameur connaissait bien les différentes ressources disponibles dans sa région. « J’ai habité, travaillé et étudié pendant dix ans en Abitibi, ce qui m’a permis de bâtir un solide réseau », raconte le marocain d’origine qui vit aujourd’hui à Sherbrooke. Malgré cela, naviguer dans l’écosystème de l’entrepreneuriat du Québec n’a pas été si simple, surtout au début.

« Même si j’avais une connaissance du milieu, c’est plus difficile de s’y retrouver quand on plonge réellement. Il existe différentes organisations et plusieurs programmes, si bien qu’on peut s’y perdre, explique l’entrepreneur. Et cela peut être difficile de déterminer ce qui est pertinent ou non. » Heureusement, Abdellah Ameur avait des assises solides qui l’ont aidé à passer à travers les différentes étapes vers l’entrepreneuriat, avec le soutien de sa famille, Label Atlas. Cette entreprise développe, distribue et commercialise des huiles alimentaires et cosmétiques biologiques, ainsi que d’autres produits comme de l’eau de rose de Damas.

« J’ai entre autres siégé sur le conseil d’administration de plusieurs organismes comme la jeune chambre de commerce de Rouyn-Noranda ou le Centre local de développement (CLD) », raconte-t-il. Même si, en tant que membres du conseil d’administration, Abdellah Ameur ne pouvait pas recevoir de financement de la part du CLD, il y a bénéficié d’une formation, alors que la Société d’aide au développement de la collectivité (SADC) de Rouyn-Noranda l’a aidé à s’orienter à travers les différentes ressources. Entreprendre ici, organisme qui soutient les entrepreneurs issus de la diversité, lui a aussi offert un bon coup de main. Ses engagements avec le Réseau des entrepreneurs et professionnels africains l’ont aussi mis sur la piste d’AGORAlliance. Label Atlas a d’ailleurs fait partie des premières cohortes dans cet incubateur destiné aux entrepreneurs immigrants francophones.

Si Abdellah Ameur a réussi à tirer son épingle du jeu, s’orienter dans le dédale des organismes et des programmes peut s’avérer complexe surtout pour un nouvel arrivant, explique Yenny Lozano. Cheffe de projets internationaux et conseillère à l’École des entrepreneurs du Québec, elle y offre d’ailleurs une formation destinée aux immigrants sur l’écosystème entrepreneurial du Québec. « L’écosystème, un mot emprunté à la science, désigne l’ensemble des ressources mises à la disposition des entrepreneurs pour les aider à faire émerger leurs idées, à croître ou à trouver un repreneur », donne-t-elle en exemple. Au total, plus de 600 organisations le composent, sont interconnectées et agissent de concert pour renforcer l’entrepreneuriat local.

La bonne porte d’entrée

Heureusement, comme ces organisations forment les mailles d’un même filet, il n’est pas nécessaire d’en connaître l’ensemble avant de se lancer. « Nous sommes tous au service des entrepreneurs, explique Yenny Lozano, si bien que si ce n’est pas nous qui pouvons aider la personne, nous la dirigerons vers la bonne ressource. » Passer par une formation comme celle offerte par l’École des entrepreneurs du Québec, qui accueille autour de 40 % d’immigrants à travers ses huit campus à travers le Québec, constitue aussi un premier pas intéressant, fait-elle valoir.

« Certaines organisations sont dédiées à la formation, au financement, ou jouent le rôle d’incubateur et d’accélérateur. Dans d’autres cas, les ressources vont appuyer un secteur d’activité en particulier », détaille Yenny Lozano. D’autres offrent des services uniquement aux personnes immigrantes, comme Entreprendre Ici, donne-t-elle en exemple. Cet organisme décerne chaque année 24 bourses de 25 000 $ à des entrepreneurs de la diversité ethnoculturelle issus de l’immigration, en plus de proposer toute une palette de services sur mesure.

Plusieurs répertoires sont aussi disponibles pour aiguiller les entrepreneurs à travers cet écosystème. Yenny Lozano suggère d’explorer celui d’Entreprendre ici ou d’Info Entrepreneurs où les ressources sont ventilées notamment par région et par type d’entrepreneur. Startup Montréal a aussi mis en ligne une cartographie des organismes clés pour les jeunes pousses technologiques, dont plusieurs interviennent partout au Québec. L’outil de recherche d’aide aux entreprises du gouvernement du Canada permet également d’effectuer des recherches très pointues.

Bien entendu, il est difficile de dresser un portrait de toutes les formes de soutien accessibles à ceux qui ont la fibre des affaires. Les ressources d’accompagnement des entrepreneurs sont généralement organisées par secteur économique ainsi que par territoire desservi. Pour s’y retrouver, un bon réflexe est de débuter sa recherche par les organisations présentes sur le territoire où l’entreprise sera développée. Par la suite, il est important d’étendre la recherche de façon spécifique auprès des organismes dédiés à son secteur d’activité. De cette façon, l’entrepreneur peut cibler plus facilement les organisations prioritaires à rencontrer.


Voici quelques pistes à explorer :

La route de l’entrepreneur

Le réseau des Sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC) et des Centres d’aide aux entreprises (CAE) constitue une bonne porte d’entrée pour qui veut se lancer en affaires. Croissance, gestion d’une entreprise, financement, transfert et relève : il est possible d’y suivre la route de l’entrepreneur et de recevoir des services adaptés à chacune des étapes du développement de son organisation.

Il existe aussi différents soutiens financiers disponibles à travers les MRC, par exemple le Fonds de soutien à l’entrepreneuriat, le Fonds local d’innovation et de croissance (FLIC) ou le Programme de soutien à l’émergence de projet d’entreprises, qui financent entre autres la réalisation d’études de faisabilité, de marché ou d’amélioration des produits.

Financement non conventionnel

Les toutes petites entreprises peuvent accéder au microcrédit grâce au réseau

MicroEntreprendre, qui a soutenu plus de 6000 organisations à travers la Québec depuis sa création, en 2000. Desjardins propose aussi ce type de financement partout au Québec. Autre source à explorer : Anges Québec, qui met en contact des investisseurs privés avec des entrepreneurs innovants.

Programme Evol

Dans les 17 régions du Québec, le programme Evol accompagne les entreprises à propriété diversifiée et inclusive. En plus des prêts, les services vont de la formation au codéveloppement en passant par l’accès à une brigade-conseil, à des activités de réseautage et du service-conseil. Des outils en ligne pour établir son plan d’affaires, déterminer ses prévisions financières ou se former en gestion sont aussi accessibles.

Centres collégiaux de transfert technologiques (CCTT)

Agriculture. Économie circulaire. Forêt boréale. Imagerie numérique. Les Centres collégiaux de transfert technologiques (CCTT) mettent au service des  organisations un réseau de 2 400 experts spécialisés dans une variété de domaines qui sont répartis dans 59 centres à travers le Québec. Ces professionnels peuvent venir en renfort dans les entreprises pour les aider à réaliser leurs projets d’innovation, comme le développement de nouveaux produits, l’implantation de procédés ou la recherche de solutions originales.

Les Comités sectoriels de main-d’œuvre (CSMO)

En plus d’analyser les besoins d’effectifs dans leurs secteurs, le réseau des CSMO appuie les organisations sur différents aspects en lien avec les ressources humaines. Par exemple, EnviroCompétences met à l’horaire des déjeuners portant sur des sujets comme le leadership, tout comme des formations plus techniques. AgriCarrières travaille quant à lui de pair avec le réseau des Centres d’emploi agricole (CEA), qui offre un service de placement et de recrutement de main-d’œuvre, accompagnement dans la gestion des ressources humaines et services-conseils.

Incubateurs et accélérateurs

Le Québec compte des dizaines d’incubateurs et d’accélérateurs d’entreprises qui permettent de propulser les idées novatrices dans différents domaines, comme le Centre québécois d’innovation en biotechnologie (CQIB) de Laval, l’Accélérateur de création d’entreprises technologiques (ACET) de Sherbrooke ou l’Incubateur-Accélérateur Nordique. Ces derniers accompagnent les entreprises dans leur développement, qui œuvre dans le Grand Nord.

Les créneaux d’excellence et la démarche ACCORD

À travers le Québec, on retrouve 36 créneaux et pôles d'excellence soutenus par la démarche ACCORD. Objectifs : mobiliser les gens d'affaires, regrouper les forces régionales et positionner les régions du Québec pour leur expertise. Par exemple, la Gaspésie se spécialise entre autres sur l’éolien, l'Estrie sur la santé ou la fabrication du caoutchouc, alors que la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean travaille notamment sur développement des entreprises agroalimentaires boréales.

Ces réseaux permettent aux entreprises d'un même secteur de travailler de pair et facilitent l'accès à de l'expertise, à des services de soutien et à de l'information stratégique. De plus, l'aide apportée peut prendre plusieurs formes, allant de la formation à l'accompagnement pour développer des projets collaboratifs, en passant par le financement de projet.