Les gouvernements de proximité au Québec : Des acteurs clés du modèle d'intégration nationale
15 mai 2025
Sophie Duchaine
Au Bas-Saint-Laurent, accroître l’attractivité et favoriser l’accueil et l’enracinement des nouvelles personnes arrivantes constitue une priorité régionale. En plus de figurer au Plan régional de développement 2023-2028, cette volonté est une démarche privilégiée par la région pour assurer l’occupation et la vitalité de ses territoires (Stratégie gouvernementale 2025-2029).
L’intégration est un levier essentiel pour assurer la pérennité et le dynamisme de nos régions. Il est donc primordial de formaliser un modèle de vivre-ensemble clair et inclusif, tout en mettant en place un cadre législatif et une politique publique cohérente pour soutenir efficacement ce processus.
Les MRC et les municipalités, en tant que gouvernements de proximité, jouent un rôle central dans l’intégration et l’enracinement des nouveaux arrivant·es, elles sont souvent le premier lieu d’attachement, puis d’appartenance. Les études sociologiques montrent que l’identité des individus se forge bien souvent à l’échelle locale ou régionale avant d’embrasser une appartenance nationale. Gérard Bouchard, spécialiste de l’identité québécoise et régionale, souligne que l’attachement à une région ou à une municipalité précède souvent l’identification à la nation, particulièrement dans les sociétés diversifiées comme la nôtre (1). Boucar Diouf en est un exemple éloquent : il met régulièrement de l’avant l’importance des racines locales dans son intégration, en soulignant son attachement à Rimouski et au Bas-Saint-Laurent. Cela illustre à quel point l’identité locale et régionale constitue un socle essentiel du processus d’intégration et d’enracinement, que nous aurions tort de sous-estimer.
Chaque région possède des particularités historiques, culturelles et socioéconomiques qui façonnent l’identité collective de ses habitant·es. Il est donc essentiel que la notion de culture commune soit envisagée dans une perspective inclusive et évolutive, intégrant à la fois les contributions des nouveaux arrivant·es et les identités des communautés d’accueil.
À l'occasion des consultations menées dans le cadre du projet de loi 84 - Loi sur l'intégration nationale, la Table régionale des élu·es municipaux du Bas-Saint-Laurent (TREMBSL) a déposé un mémoire qui souligne l’importance du rôle joué par les municipalités et les MRC dans le processus d’intégration des nouveaux et nouvelles arrivant·es.
Dans son mémoire, la TREMBSL salue la volonté du gouvernement du Québec de mieux encadrer l’intégration des personnes immigrantes, mais elle s’inquiète de l’approche centralisatrice et uniforme proposée par le projet de loi. La TREMBSL est d’avis que l’appropriation d’une nouvelle identité nationale commence par la construction de liens significatifs avec sa communauté locale et régionale. En ce sens, elle formule quatre grandes recommandations.
Recommandation 1 : Modifier l’article 5 du projet de loi pour reconnaître l'importance des réalités locales et régionales comme un pilier essentiel du modèle d’intégration nationale.
L’article 5 du projet de loi définit les fondements du modèle d’intégration nationale en occultant l’apport des communautés locales et régionales à la culture commune. C’est pourtant au sein des localités que les nouveaux arrivant·es tissent leurs premiers liens d’appartenance, contribuant ainsi à une culture québécoise enrichie par la diversité. Cet apport de grande valeur doit être inscrit dans les fondements du modèle d’intégration nationale.
Recommandation 2 : Reconnaître le rôle des régions dans la construction de l’identité québécoise et dans la régionalisation de l’immigration.
Une politique d’intégration efficace doit reconnaître le rôle clé des gouvernements de proximité, leur accorder la flexibilité nécessaire dans l’application des mesures et les ressources conséquentes. La diversité des régions et de leurs identités est une richesse qui doit être prise en compte pour favoriser une intégration inclusive et respectueuse. Pour cela, il est important de faire participer les gouvernements de proximité dans l’élaboration d’une vision à long terme et d’une planification structurante de la régionalisation de l’immigration.
Recommandation 3 : Renforcer le rôle des régions en inscrivant les gouvernements de proximité comme des acteurs décisionnels au sein de la politique d’intégration nationale et en octroyant des ressources conséquentes.
En tant que gouvernement de proximités et puisqu’ils agissent comme des agents d’intégration, les municipalités doivent être consultées avant l’élaboration et la mise en œuvre des politiques d’intégration pour garantir leur adéquation avec les réalités territoriales spécifiques. Sur la base de ces consultations, les politiques et mesures en immigration doivent être ajustées régionalement pour répondre adéquatement aux besoins locaux de main-d’œuvre et de développement socioéconomique.
Recommandation 4 : Renforcer l'autonomie des gouvernements de proximité, reconnaître l'expertise municipale et assouplir les programmes.
Afin que les organismes municipaux et de soutien puissent accomplir leur mission selon les besoins et réalités territoriales, il importe de faire en sorte que les programmes soient plus souples et qu’ils soient pensés afin de favoriser la collaboration entre les ressources locales encouragent pour construire une véritable communauté d’accueil et éliminer les doublons de financement qui nuisent au travail de terrain. De plus, par souci d’équité et de cohérence des interventions, les programmes d’accueil et de soutien à l’intégration devraient être accessibles à toutes les catégories de statut d’immigration, afin de garantir un service d’accompagnement pour chaque nouvel·le arrivant·e, peu importe son statut.
La TREMBSL conclut son mémoire en rappelant au gouvernement l’importance de faire en sorte que cette Loi nationale porte un message positif et inclusif pour les personnes immigrantes, tout en envoyant un message de reconnaissance et de valorisation aux communautés locales et régionales du Québec qui, ensemble, donnent vie et racines à notre identité québécoise. Une identité riche et diversifiée, coconstruite et évolutive.
À propos de la TREMBSL
Créée en mai 2019, la Table régionale des élu·es municipaux du Bas-Saint-Laurent regroupe les huit préfets et préfètes des MRC bas-laurentiennes et les dix maires et mairesses des cités régionales ou des municipalités de centralité de la région. Ensemble, les membres de la TREMBSL représentent 113 municipalités habitées par plus de 200 000 citoyens et citoyennes. La Table est l’interlocutrice politique privilégiée de la région auprès des gouvernements supérieurs, afin de promouvoir les priorités régionales et d’adapter les programmes gouvernementaux à la réalité de nos milieux.
Source : Mémoire de la TREMBSL en réponse au projet de loi 84 – Loi sur l’intégration nationale
Pour information :
Sophie Duchaine, coordonnatrice
Table régionale des élu·es municipaux du Bas-Saint-Laurent
581-246-0438
sduchaine@crdbsl.org
(1) Bouchard, Gérard. La Nation québécoise au futur et au passé. Montréal, Boréal, 1999.