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Intégration sociale

Les défis de la francisation en régions

31 décembre 1970 Véronique St-Gelais

Dans les centres urbains comme en régions, la francisation des personnes immigrantes est un élément essentiel de l’intégration dans toutes les sphères de leur nouvelle vie au Québec. La région de Thetford offre différentes formules de cours de francisation en classe, en ligne ou en milieu de travail. Seules les institutions publiques d’enseignement y dispensent actuellement une offre de formation adaptée non seulement aux besoins des apprenants, mais aussi aux défis du milieu.

Le Centre de services scolaire des Appalaches (CSSA) offre ainsi des formules adaptées d’apprentissage du français parlé et écrit aux personnes immigrantes : à temps plein ou à temps partiel, de jour ou de soir, à distance avec soutien, pour les enfants du primaire, les jeunes du secondaire et du post-secondaire et les adultes. Afin d’offrir un meilleur service, le CSSA s’est donc doté d’un guichet unique pour l’inscription de tous les élèves ayant des besoins de francisation, de même que des étudiants internationaux. Après son inscription, le niveau de compétence langagière de l’élève est évalué pour le classer dans le bon palier d’apprentissage.

Il n’y a pas de classes d’accueil au CSSA : par choix et, disons-le, par obligation. La pénurie de main-d’œuvre touche également le milieu scolaire, car quelques écoles n’ont pas d’enseignants-titulaires dans leurs classes. Par ailleurs, « il faut savoir ouvrir des classes d’accueil pour les bonnes raisons, et non pour répondre aux attentes des enseignants », souligne Caroline Leblond, conseillère pédagogique en francisation au CSSA.

Qu’à cela ne tienne, le modèle d’intégration directe en classe ordinaire avec soutien du CSSA fait envie dans le réseau. « Les élèves non-francophones [du primaire et du secondaire] sont donc intégrés directement à la classe ordinaire et suivent l’ensemble de leurs cours principalement avec des locuteurs francophones du même âge. La nature, la fréquence et la durée des services d’accueil et de soutien à l’apprentissage du français varient selon les besoins des élèves. » [1] Ainsi, les élèves non-francophones du primaire bénéficient d’un jour complet de francisation par semaine, alors que les jeunes non-francophones du secondaire ont droit à une heure de francisation par jour. Si les premiers sont transportés gratuitement à l’école d’attache de l’enseignant-responsable, les seconds reçoivent le service dans leur propre école. Il en va de même pour les jeunes qui fréquentent des écoles-satellites dans les milieux ruraux, où une ressource se déplace pour leur offrir 5 heures de francisation par semaine. Bref, le modèle hybride adopté par le CSSA permet « de se familiariser rapidement avec l’ensemble des programmes d’études, selon l’ordre d’enseignement, d’acquérir de manière intensive la langue particulière aux différentes disciplines, de vivre une intégration scolaire soutenue, d’être exposés quotidiennement à de nombreux repères culturels, de tisser des liens avec des locuteurs francophones, d’acquérir rapidement un sentiment d’appartenance à la société d’accueil et de fréquenter plus souvent leur école de quartier. » (Québec, 2014)

Si la francisation des jeunes est bien organisée, il en va de même de celle des adultes. Le Centre d’éducation des adultes (CÉA) L’Escale du CSSA accueille présentement 140 élèves actifs, à temps plein et à temps partiel, soutenus par 6 enseignants à temps plein. Pour sa part, le Service aux entreprises (SAE) du CSSA, qui offre de la francisation à distance adaptée pour les travailleurs étrangers temporaires, compte actuellement 188 élèves actifs pour 13 enseignants à distance. Le programme du SAE est basé sur 20 heures de formation par semaine, soit 18 heures d’auto-formation à l’aide d’une application en ligne et de matériel pédagogique, puis 2 heures de formation en présence d’un enseignant en classe physique ou virtuelle. Le programme à distance du SAE a été conçu afin de faciliter l’intégration autonome de l’apprentissage du français en fonction de l’horaire et du lieu de résidence des travailleurs.





En réalité, « il est difficile de maintenir l’assiduité, la motivation et la ponctualité des travailleurs », souligne Meggie Vallée, conseillère pédagogique en francisation au CSSA, notamment parce que « les enjeux ne sont pas académiques, mais plutôt en lien avec l’intégration sociale du travailleur et de sa famille », ajoute Caroline Leblond. Même si le CSSA bénéficie d’une belle collaboration avec les entreprises et les organismes du milieu, les élèves ayant généralement établi un lien de confiance avec leurs enseignants se fient sur une offre de services complémentaires dispensée par défaut dans leurs écoles. C’est pourquoi le CÉA dispose maintenant d’une ressource en éducation spécialisée à temps plein pour soutenir l’intégration des élèves issus de l’immigration; celle-ci leur vient en aide pour des questions liées au travail, à la situation financière, au statut d’immigration, à la famille, à l’accès aux soins de santé, etc.

Le Centre de formation professionnelle (CFP) Le Tremplin, qui accueille présentement 45 étudiants internationaux francophones, a également une ressource en éducation spécialisée pour eux à raison de 9 heures par semaine. De plus, « les étudiants internationaux du CFP sont également référés aux cours du soir du CÉA pour faciliter leur compréhension du français québécois et leur intégration dans la communauté, en plus de bénéficier de l’allocation de formation du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) du Québec pour soutenir leur capacité financière », indique Meggie Vallée. En effet, autre clientèle, autres enjeux : bien qu’ils doivent prouver leur autonomie financière, les étudiants internationaux du CFP peinent à y arriver et à obtenir un emploi à temps partiel pour boucler leur budget. Sans compter que pour fréquenter l’école et travailler, il faut pouvoir se déplacer dans une région où les rares options de transport collectif ne sont malheureusement pas adaptées aux besoins de tous.

Bien que la région de Thetford tire avantageusement son épingle du jeu en matière de francisation et de services complémentaires, la situation n’est pas encore parfaite. Il reste encore beaucoup de travail de concertation à faire dans la MRC des Appalaches afin de répondre aux besoins toujours criants des personnes immigrantes et de leurs familles. Les différents acteurs du milieu développent de plus en plus une préoccupation pour celles-ci, car leur présence grandissante est une réalité à laquelle tous doivent s’adapter. Il en va non seulement de l’accueil, de l’intégration et de la rétention des personnes issues de l’immigration, mais également du mieux-vivre ensemble en communauté.

[1] QUÉBEC. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT. Cadre de référence. Accueil et intégration des élèves issus de l’immigration au Québec. 2. Organisation des services. Québec, 2014, 28 p.