Séjour exploratoire aux Îles-de-la-Madeleine
Sol Domenech Marti
Séjour exploratoire " immersion express" du 24 au 28 avril 2023
Le côté humain de la régionalisation de l'immigration !
Lundi
Rendez-vous à sept heures moins dix, rue Berri coin Maisonneuve. Said nous amène en voiture à l’aéroport. Nous devions être six, mais finalement nous sommes seulement cinq, le fils de Karene est malade.
Linda et Patricia arrivent les premières et s’installent dans la voiture avec Said. Jean-Claude, le troisième arrivé, lui dit :
- Aux Îles?
- Non, je ne suis pas un taxi.
Un fou rire éclate dans la voiture devant la possibilité de se rendre aux Îles-de-la-Madeleine en taxi depuis Montréal. C’est le point de départ d’un voyage extraordinaire.
L’heure d’attente à l’aéroport nous permet de faire les premières présentations. Linda vient de la République Démocratique du Congo, Patricia du Cameroun et Jean-Claude du Burkina Fasso. Ils envisagent la possibilité de s’installer aux Îles pour travailler comme préposés aux bénéficiaires. Amine et moi, intervenants en régionalisation pour le projet Emplois en Régions, sommes leurs accompagnateurs.
Et l’aventure commence… nous arrivons aux Îles en faisant ce que les madelinots appellent « la run de lait ». Notre avion s’est arrêté à Québec, à Bonaventure avant d’arriver à destination, comme les laitiers d’autrefois qui s’arrêtaient à toutes les portes pour déposer le lait.
À l’aéroport des Îles nous attend Audrey, notre partenaire. Elle nous accompagne à l’hôtel et nous donne rendez-vous pour souper « à la bonne franquette », car les lundis tout est fermé. Nous sommes hors saison.
Première soirée et première dégustation de produits du terroir. Nous avons déjà compris que les habitants des îles s’appellent madelinots et madeliniennes (et non pas madelinotes) et que « les Îles » sont un archipel composé d’une douzaine d’îles unies pour la plupart par une route qui permet de les parcourir d’est en ouest et vice-versa.
Les présentations se poursuivent d’une bouchée à l’autre et peu à peu, nous sommes de plus en plus conscients du parcours de nos participants. Leurs histoires, parsemées de petits silences, de sourires gênés et de rires résilients, nous parlent de leurs souffrances, de leur courage, de leur humanité. De fait, ils trouvent des similitudes avec leurs pays d’origine; les vaches qui pâturent en liberté, l’omniprésence des produits de la mer et la tranquillité.
Mardi
Nous rencontrons Isabelle et Maxime, les collègues d’Audrey qui travaillent pour la Stratégie d’attraction dont l’immersion express fait partie. Ils présentent leurs services à nos participants tandis qu’Amine et moi passons une petite entrevue à la radio locale.
Un peu plus tard, rencontre de plusieurs nouveaux arrivants aux îles, ambassadeurs bien installés depuis peu. Avec un couple originaire du Brésil, nous prenons une bière à la microbrasserie locale « À l’abri de la tempête » et par la suite, faisons une promenade sur la plage avec une famille originaire de la France.
Un tour au phare, diner et en après-midi, visite
de la bibliothèque.
En soirée, nous poursuivons les dégustations pendant le souper, différents plats de morue et du loup marin, rien de moins !
Mercredi
Journée centrale du séjour, nous allons visiter la résidence Plaisance. Un stage d’observation est prévu pour nos participants tandis qu’Amine et moi allons à la municipalité pour une rencontre de travail avec Maxime et Richard Leblanc, conseiller municipal ainsi que conseiller aux entreprises pour Emploi Québec.
Linda, Patricia et Jean-Claude nous accueillent en souriant quand on les retrouve pour dîner. Ils ont été jumelés à des intervenants de la santé de la résidence. Ils devaient observer, mais n’ont pas pu rester les bras croisés. Une a donné un bain, l’autre leur a donné à manger et le troisième s’est occupé d’une sonde et les a accompagnés à la chapelle. À croire qu’ils se sentent déjà chez eux.
Une rencontre avec un couple de tunisiens installés aux îles depuis peu est prévue pour le dîner. Accompagnés de leurs enfants, ils échangent avec Linda, Patricia et Jean-Claude. Nos partenaires des îles-de-la-Madeleine ont organisé un véritable « séjour de séduction ».
Après dîner, nous faisons le tour de l’hôpital et nos participants sont informés des conditions de travail (taux horaires, avantages d’être en région éloignée, assurances, vacances…). Pour finaliser la tournée, nous visitons le CHSLD. Une des salles est occupée par un groupe de résidents qui chantonnent accompagnés d’un bénévole qui joue de la guitare. Ils nous invitent à entrer et un des résidents commence à chanter « Madelinot », on dirait un hymne aux îles-de-la-Madeleine. Les émotions occupent l’air. D’autres résidents commencent à chanter, la guitare embarque et ça finit par des applaudissements et expressions de joie. Quel cadeau!
« Madelinot » deviendra notre hymne pour le reste du voyage.
Pour souper, nous avons un chèque-cadeau pour le « Quai 360 », restaurant très réputé. Apparemment, il y aurait des mois d’attente pour avoir une table, et nous y voilà!
Nous n’avons pas eu le temps de lire le menu et une dame de la table d’à côté commence à nous faire des suggestions. Selon elle, tout est "à se rouler par terre".
- Qu’est-ce que vous faites aux Îles?
- Nous sommes en séjour exploratoire pour venir éventuellement travailler comme préposés aux bénéficiaires.
- Bravo! Oui, on vous veut! On a besoin de vous! Merci!
Finalement, la dame en question est l’amie de la directrice de la résidence, elle nous donne son numéro de téléphone et nous invite à sa fête d’anniversaire cet été. Elle s’engage à aider nos participants à trouver un logement s’ils décident de s’installer aux îles.
On commence à manger et effectivement tout est délicieux. Cette fois-ci, nous goûtons le homard et les côtes levées d'agneau. Le propriétaire, lui aussi intéressé par notre présence, nous explique quelque secret de sa cuisine. À la fin du repas, il nous offre en cadeau deux magnifiques desserts à déguster.
Jeudi
Route vers l’Est. Nous partons visiter le Centre d’interprétation du phoque à l’île de la Grande Entrée. Ensuite, au port, nous rencontrons Ti-Roch. Il nous raconte qu’aux îles « tout le monde s’appelle Jean quelque chose » et c’est pour cela que lui, Jean-Roch, est connu comme Ti-Roch.
- Je m’appelle Jean-Claude.
- Ti-Claude!
C’est comme ça que Jean-Claude devient Ti-Claude pour la reste du voyage.
Une bonne marche et nous devenons de plus en plus complices… Amine devient « notre berger », moi, je suis passée de madame Sol à « la mama », Linda et Patricia semblent inséparables et Ti-Claude fait jouer de la musique sur son téléphone… nous dansons au bord de la mer au rythme de « Madelinot ». Un moment interculturel magique!
Pour le lunch, nous dégustons des « guedilles », des hot-dog de homard, à Old Harry.
Le séjour tire à sa fin et nous soupons tous ensemble. L’équipe des îles (Audrey, Isabelle et Maxime) et nous cinq. Encore une autre dégustation ! Et le plaisir du partage !
Vendredi
Dernière journée. Route vers l’Ouest. Découverte d’Havre Aubert et du site historique de La Grave. Étant hors saison, tout est encore fermé sauf l’atelier côtier. Par la suite, nous avons fait une petite randonnée à la réserve des Demoiselles. Après dîner, nous passons par la fromagerie Pied-de-vent et le Fumoir d’antan.
Nous terminons par une dernière dégustation sur la plage, des huîtres!
De retour à Montréal avec un vol direct, nous dégustons une dernière fois les îles, en mangeant un cadeau d’Isabelle, « des croxignoles », une pâte sucrée, tressée et frite dans l’huile de loup marin.
Cela fait déjà quinze jours que le séjour est fini et deux de nos trois participants ont reçu une offre d’embauche. Élément clé pour une régionalisation réussie. Rien de tout cela n’aurait été possible sans l’excellent travail d’équipe avec nos partenaires des Îles, cet archipel peuplé à l’origine par des naufragés, fier de sa culture et tout à fait charmant.