L’inestimable apport des travailleurs étrangers temporaires à l’économie du Québec
01 février 2024
Denis Hamel
Section thématique
01 février 2024
Denis Hamel
L’année 2023 a vu bondir le nombre de travailleurs étrangers temporaires au Québec. En effet, plus de 85 000 personnes se sont ajoutées en un an pour porter le nombre total à un peu plus de 225 000 à la fin de 2023, ce qui représente une hausse de 61 %.
Ces chiffres peuvent surprendre, mais ils ne sont pas étrangers à la pénurie de main-d’œuvre qui frappe le Québec depuis le milieu des années 2010, combiné au fait que l’immigration permanente a connu une chute entre 2016 et 2020. Les employeurs doivent ainsi avoir davantage recours aux travailleurs étrangers temporaires pour pourvoir les nombreux postes vacants dans nos entreprises et dans les services gouvernementaux.
Le Québec se situe parmi les sociétés les plus vieillissantes des pays de l’OCDE. En conséquence, depuis 2016, les personnes quittant le marché du travail sont plus nombreuses que celles qui y entrent. Ainsi, selon les données d’Emploi Québec, 1,6 million d’emplois seront à pourvoir entre 2022 et 2031, dont près du quart devraient l’être par le l’entremise de nouveaux arrivants. La pénurie de main-d’œuvre crée et continuera de créer des difficultés de recrutement pour les employeurs pour au moins les 15 prochaines années, voire plus selon les estimations démographiques.
Bien sûr, la pénurie de main-d’œuvre fait mal aux entreprises, car elle se traduit par l’obligation de refuser des contrats, de reporter des investissements et freine même l’introduction de nouvelles technologies qui augmenteraient leur productivité et leur compétitivité. Par exemple, on estime que la pénurie de main-d’œuvre a fait perdre neuf milliards de dollars aux entreprises manufacturières du Québec. Nous pouvons aisément imaginer l’ampleur de ce manque à gagner pour l’ensemble de l’économie québécoise. Mais les travailleurs et la population écopent également de cette situation, car les postes non pourvus exercent une pression sur les employés et se répercutent sur les services que les entreprises peuvent offrir à leur clientèle.
À cause de notre démographie, c’est grâce à l’immigration que les employeurs ont pu maintenir leurs activités et éviter que le nombre de postes vacants ne croisse davantage. Le nombre de titulaires de permis de travail du programme des travailleurs étrangers temporaires au Québec a plus que triplé depuis 2017. Aujourd’hui, un cinquième de tous les emplois au Québec est occupé par des personnes issues de l’immigration, cette part atteindra 30 % d’ici la fin de la décennie.
Traditionnellement, l’emploi des travailleurs étrangers temporaires était concentré dans trois secteurs qui offrent principalement des emplois faiblement rémunérés : l’agriculture, la gestion des déchets et l’hébergement et la restauration. Mais ce n’est certes plus le cas depuis quelques années, car la pénurie de main-d’œuvre affecte tous les secteurs économiques et toutes les régions du Québec. Nous retrouvons maintenant des milliers de travailleurs temporaires dans des industries aussi variées que la fabrication, les services professionnels, scientifiques et techniques, les soins de santé, le commerce de détail, le transport et l’information.
La population reconnaît qu’il lui serait difficile d’obtenir tous les biens et les services auxquels elle aspire sans l’apport des travailleurs étrangers temporaires. Un sondage publié en décembre 2023 pour le compte du Globe and Mail révélait que plus de huit Canadiens sur dix sont d’avis que les travailleurs étrangers temporaires sont importants pour l’économie canadienne, et que 89 % des Québécois appuient les employeurs qui font venir des travailleurs étrangers temporaires pour les aider à combler des emplois. Ces données sont éloquentes pour illustrer que les perceptions ont bien changé au fil du temps et que les travailleurs étrangers sont de plus en plus reconnus à leur juste valeur.
Les obligations des employeurs envers leur main-d’œuvre immigrante temporaire ont aussi évolué et assurent leur meilleure protection, à la fois pour les employés et pour le marché du travail québécois. Puisque la plupart des employeurs doivent démontrer, par une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT), que le travailleur étranger vient pourvoir un poste ne pouvant trouver preneur sur le marché local de l’emploi, que le salaire qui lui sera versé équivaut au moins au salaire médian de la profession et que le travailleur temporaire ne pourra habituellement pas changer d’emploi pour potentiellement déloger des travailleurs locaux, la stabilité du marché de l’emploi est assurée. En outre, contrairement à la plupart des programmes d’immigration permanente, ceux ciblant les travailleurs temporaires dirigent ces derniers là où les emplois sont à pourvoir, représentant ainsi les meilleurs outils pour la régionalisation et la vitalité des régions.
Au-delà des données économiques, il est indéniable que l’immigration est une formidable source de renouvellement et de progrès culturel et humain et qu’elle contribue à la diversification de la main-d’œuvre en introduisant de nouvelles compétences, de nouvelles perspectives et des expériences culturelles enrichissantes. Les entreprises qui embauchent des travailleurs issus de l’immigration contribuent à créer une société plus diversifiée, dynamique et ouverte au monde. De nombreuses études associent la diversité et la performance des entreprises. Enfin, elle est notre contribution au combat contre les inégalités de revenu et de richesse.
Cependant, il est important de souligner qu’il demeure des défis, tels que l’intégration des immigrants sur le plan professionnel et social afin qu’ils puissent contribuer pleinement à l’essor de la société. La reconnaissance des qualifications étrangères, la nécessité d’améliorer la rapidité du traitement des dossiers, un meilleur accès à la francisation et le maintien des efforts de sensibilisation jouent un rôle crucial dans la maximisation des avantages de l’immigration temporaire au Québec.
L’immigration a indéniablement un impact positif sur l’économie et sur le marché du travail au Québec, et nous pouvons être fiers des structures qui ont été mises en place pour accueillir les immigrants temporaires et du dialogue social unique au Québec qui contribue à valoriser leur participation au marché du travail et de notre société. Mais nous pourrions faire encore mieux, car, avec une meilleure coordination des acteurs du marché du travail, le Québec pourrait utiliser l’immigration temporaire comme réponse aux enjeux de société actuels les plus préoccupants, comme la construction résidentielle, la modernisation de nos infrastructures, l’éducation et la santé.
C’est à nous tous d’y voir.
Denis Hamel
Vice-président – politique de développement de la main-d’œuvre
Conseil du patronat du Québec