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Intégration sociale

L’accueil des travailleurs étrangers temporaires dans les municipalités rurales

05 février 2023

Roxanne Fyfe

L’arrivée de plus en plus importante de travailleurs étrangers temporaires (TET) dans les municipalités rurales et de petite taille du Québec amène de nouveaux enjeux pour les acteurs de gouvernance municipale. Alors que certaines municipalités en région sont prises d’assaut par l’arrivée de travailleurs migrants dans les entreprises industrielles ou agricoles de leur territoire, le milieu municipal est dorénavant amené à s’impliquer davantage dans tout ce qui a trait à l’accueil de ces derniers.

Même si la présence des TET dans ces municipalités permet d’assurer la vitalité économique de certains secteurs d’activité, il n’en demeure pas moins que le milieu municipal doit faire preuve d’une grande capacité d’adaptation afin de réussir l’accueil et l’installation de ces personnes migrantes.


Les défis de l’immigration temporaire liés à la capacité d’accueil des municipalités

Lorsqu’il est question de la gestion et de l’aménagement du territoire, les petites municipalités et les municipalités rurales sont toutes confrontées à un défi de taille, soit la prévision des arrivées et des sorties des TET sur leur territoire. Généralement admis grâce à un permis de travail fermé lié à leur employeur, les TET séjournent au Québec pour une période variable allant de quelques mois à quatre ans dépendamment de la nature de l’emploi, des compétences requises et des besoins de l’employeur.[1]

Comme le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) contraint les TET à effectuer des va-et-vient entre leur pays d’origine et leur pays d’accueil ou à sans cesse renouveler leur permis de travail, il peut être difficile pour ces municipalités d’obtenir un portrait, même approximatif, de leur présence au sein de leur communauté[2].
En effet, la nature temporaire de ce type d’immigration empêche le milieu municipal de prédire la durée de séjour des TET qui s’installent sur leur territoire. Cet élément est d’autant plus marqué lorsqu’il est question du logement, du transport et des besoins en services.

Les défis liés au logement

Comme les entreprises agricoles et les industries (manufacturières, agroalimentaires, etc.) sont généralement situées dans des parcs industriels ou hors des zones densément peuplées, la majorité des TET dépendent de leur employeur pour leur fournir un logement en vertu du PTET.

Du moment où les entreprises reçoivent l’approbation du gouvernement fédéral quant à leur demande de main-d’œuvre étrangère, elles doivent pouvoir loger rapidement plusieurs travailleurs migrants dans des logements qui répondent aux critères gouvernementaux. Or, le prix élevé des logements, le manque de logements ainsi que les réglementations municipales sur la construction de bâtiments sont des obstacles fréquemment cités par les employeurs. En contexte de ruralité, les règles de zonage agricole freinent également plusieurs projets de construction.

Il arrive que des TET soient logés dans d’autres municipalités éloignées de leur lieu de travail. Faute de mieux, il se peut même que les employeurs soient contraints de loger leurs travailleurs migrants dans des motels ou dans d’autres types de résidence temporaire pour pallier les problèmes de logements.  Malgré tout, plusieurs initiatives voient le jour à la grandeur du Québec afin de s’attaquer à cette problématique. À titre d’exemple, Granby Industriel a mis en place un système d’hébergement temporaire visant à ce que les citoyens de la région accueillent temporairement des TET moyennant un revenu de location. Une telle initiative pourrait être mise en place dans de plus petites municipalités aux prises avec le même enjeu.[3]

Les défis liés au transport

Contrairement aux grandes villes québécoises, l’offre en transport en commun demeure encore peu développée dans les petites municipalités et les municipalités rurales. Alors que la majorité des citoyens qui y vivent utilisent la voiture pour leurs déplacements, les TET n’ont pas toujours leur permis de conduire international ou n’ont pas les ressources financières pour acquérir une voiture à leur arrivée au Québec.

Pour pallier cette situation, certaines grandes entreprises mettent des navettes à la disposition de leur main-d’œuvre étrangère. D’autres optent pour le prêt de voitures à des TET qui deviennent les chauffeurs désignés de leurs collègues. Ces options créatives permettent aux TET de se rendre sur leur lieu de travail et d’effectuer des déplacements essentiels tels que vers l’épicerie ou vers des rendez-vous médicaux. Il n’en demeure pas moins que l’absence d’un réseau de transport adapté à leur réalité est un frein important à leur autonomie et à leur épanouissement hors du travail.


Les défis liés à l’accès aux services

Il va sans dire que l’arrivée de TET dans ces municipalités provoque des bouleversements sur le plan des services offerts à la population. Alors que le tissu social des petites municipalités et des municipalités rurales a tendance à être culturellement homogène, le milieu doit adapter ses services en fonction des besoins spécifiques de ces personnes migrantes. Les études sur le sujet démontrent que les TET vivent beaucoup d’isolement social en région éloignée et qu’ils peinent à se connecter aux ressources du milieu.[3] La méconnaissance des ressources du milieu, la barrière de la langue ou les horaires de travail atypiques figurent parmi les obstacles qui empêchent ces derniers de jouir des services disponibles.

Par ailleurs, lorsque les employeurs ne peuvent pas répondre adéquatement à certains besoins de leurs TET, ces derniers auront alors tendance à se tourner vers les ressources du milieu. Sans une préparation en amont des acteurs locaux face aux réalités vécues par ces travailleurs migrants, les services sociocommunautaires constatent une hausse de leurs demandes de services alors qu’ils ne sont pas convenablement outillés pour intervenir en contexte interculturel. Sur ce point, la MRC de Nicolet-Yamaska a offert des formations de sensibilisation aux acteurs locaux qui interviennent auprès des TET et a conçu un guide des nouveaux arrivants afin d’orienter les TET récemment arrivés.[5]

Miser sur la collaboration pour retenir les TET sur le territoire

Les enjeux mentionnés mettent en lumière le fait que les municipalités doivent désormais moduler leur offre de services en tenant compte des variations de l’effectif des TET présents sur leur territoire chaque année. De part et d’autre, la collaboration entre le milieu municipal et le milieu des entreprises doit devenir un réflexe. Les gouvernements de proximités sont amenés à faire preuve de proactivité auprès du milieu des entreprises afin de montrer leur engagement sur la question de l’accueil de travailleurs migrants, sans quoi celles-ci auront tendance à tomber dans une gestion réactive de l’immigration. Le cas échéant, ce sont les TET qui souffriront du manque d’organisation des acteurs impliqués.

Sachant que certains TET ont dorénavant accès à la résidence permanente, les petites municipalités et les municipalités rurales ont tout avantage à mettre en place les conditions gagnantes afin que ces derniers envisagent de s’y établir durablement.[6]

Références :

[1]Gouvernement du Canada. 2022. « Validité maximale de 18 mois pour l’Étude d’impact sur le marché du travail ». En ligne : https://www.quebec.ca/immigration/travailler-temporairement/programme-travailleurs-etrangers-temporaires


[2]Gouvernement du Canada. 2023. « Programme des travailleurs étrangers temporaires : Validité et suspension de l’étude d’impact sur le marché du travail, et durée de l’emploi ».  En ligne : https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/travailleurs-etrangers/codes-dispense/validite-suspension-duree-emploi.html#duration


[3] Granby Industriel. 2021. « Hébergement temporaire recherché pour travailleurs étrangers arrivant à Granby ». En ligne : https://granby-industriel.com/2021/09/hebergement-temporaire-recherche-pour-travailleurs-etrangers-arrivant-a-granby/


[4] Gouvernement du Canada. 2006. « Our Diverse Cities ». En ligne : https://publications.gc.ca/collections/collection_2007/cic/Ci2-1-2-2006E.pdf


[5] MRC de Nicolet-Yamaska. 2022. « Guide des nouveaux arrivants ». En ligne : https://cjenicbec.org/wp-content/uploads/2020/03/guide_mrc_nicolet-yamaska_web.pdf


[6] Statistique Canada. 2022. « La transition vers la résidence permanente chez les travailleurs étrangers temporaires peu et hautement qualifiés ». En ligne : https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/36-28-0001/2022001/article/00002-fra.htm