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Intégration sociale

Cet article brosse un portrait des personnes réfugiées et demandeuses d’asile établies dans les différentes régions du Québec. Il met en lumière tout l’écosystème souvent méconnu pour y assurer leur accueil. En effet, de nombreux services sont fournis par les organismes communautaires dans les régions.

Qui sont les personnes réfugiées et demandeuses d’asile ?

Tout d’abord, distinguons les réfugiés et les demandeurs d’asile, trop souvent confondus. Selon la loi, ces statuts distincts confèrent des droits différents aux personnes concernées. Le terme réfugié, selon la convention de Genève de 1951, inclut toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».[1]

Au Canada, il existe deux programmes de réinstallation, dont le programme des réfugiés pris en charge par l’État (RPCE) et le programme de parrainage privé de réfugiés. Les personnes réfugiées sélectionnées à l’étranger sont celles qui, depuis l’étranger, sont recommandées par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR).Les personnes demandeuses d’asile, quant à elles, revendiquent le statut de réfugié une fois arrivées à la frontière (terrestre, aéroportuaire ou maritime) ou sur le territoire canadien (bureau intérieur). Avant d’être reconnues comme réfugiées au sens de la convention, ces personnes doivent présenter des preuves lors d’une audience devant la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Les réfugiés reconnus sur place pourront alors présenter une demande de résidence permanente à titre de personne protégée au Canada. [2]

Profil

Âge, scolarité, pays d’origine : les personnes réfugiées et demandeuses d’asile ont des profils très variés. Certaines d’entre elles sont sous-scolarisés alors que d’autres possèdent un diplôme de 2e ou 3e cycle universitaire. 

Obstacles et défis

À leur arrivée dans les différentes régions du Québec, les personnes réfugiées affrontent plusieurs obstacles et défis. Selon une étude dirigée par Arsenault, « les obstacles mentionnés avec le plus de récurrences sont ceux touchant la non-maîtrise du français, le logement, le transport, la précarité financière et la situation des mères monoparentales. »[3]

Les personnes réfugiées et demandeuses d’asile sont généralement allophones. L’offre en francisation est moins grande dans les régions, surtout le plus éloignées, qu’à Montréal. De plus, certaines personnes réfugiées sont analphabètes et doivent donc d’abord passer par un parcours d’alphabétisation.

Le faible niveau de scolarisation accentue les difficultés reliées à l’apprentissage de la langue française, ce qui entraîne à son tour des conséquences négatives sur l’intégration à l’emploi, sur l’accès au soin de santé et sur le développement d’un réseau social dans la société d’accueil. Dès leur arrivée, les personnes réfugiées sont rapidement prises en charge pour leur besoin en matière de santé physique et mentale. Les personnes réfugiées sont admissibles à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Il n’y a donc pas de délais de carence, ce qui facilite grandement la prise en charge. Le parcours de refuge n’est pas un parcours calme et linéaire. Plusieurs personnes réfugiées doivent se reconstruire et la santé mentale est au cœur de cela. En matière de santé mentale, Rousseau (2018) souligne l’importance de prioriser les interventions psychosociales afin de rétablir la sécurité émotionnelle et sociale et invite à restreindre la médicalisation à outrance des problèmes psychosociaux.[4]

Les demandeurs d’asile, quant à eux, n’ont pas accès à la RAMQ.  Ils sont plutôt couverts par le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI). Ils ont accès aux soins de santé de base et d’urgence​ en théorie. En pratique, beaucoup de cliniques chargent des frais ou refuse l’accès par méconnaissance ou parce qu’elles ne veulent pas faire les démarches administratives de réclamation par la suite. Les personnes demandeuses d’asile sont donc confrontées à un accès limité en matière de santé, surtout dans les régions du Québec où le PFSI est encore plus méconnu.

Écosystème de l’accueil des personnes réfugiées et demandeuses d’asile en région

Villes d’installation

La régionalisation de l’immigration se fait en partie par la réinstallation des personnes réfugiées prises en charge par l’État. 14 villes d’accueil sont reconnues à cet effet au Québec. Les personnes réfugiées issues du programme de parrainage privé de réfugiés s’installent en général à Montréal, mais parfois en région. Les demandeurs d’asile sont surtout concentrés dans les grands centres, mais le gouvernement du Québec envisage la régionalisation des demandeurs d’asile.

Les 14 organismes communautaires financés par le MIFI sont au cœur de l’accueil et l’intégration des personnes réfugiées prises en charges par l’État. Les organismes répondent présents, de l’arrivée à l’aéroport jusqu’à la recherche d’un logement ou l’inscription des enfants à la garderie ou à l’école. Durant la première année d’installation, les intervenant.e.s qui les accompagnent le font de manière soutenue. Une fois la famille logée et installée, le processus d’intégration débute avec le soutien et les suivis nécessaires. Cet appui s’échelonne sur plusieurs années. Ces services sont gratuits et offerts dans plusieurs langues, avec la présence d’un.e interprète au besoin.

De plus, ces organismes emploient des intervenant.e.s dans différents domaines (scolaire, santé, petite-enfance) afin de faire le lien entre les personnes réfugiées et les différents services publics. Par exemple, les intervenants scolaires communautaires interculturels (ICSI) sont un lien essentiel entre les parents et les établissements scolaires.

L’accueil des réfugiés nécessite de travailler en partenariat et en complémentarité. En effet, les personnes réfugiées seront appelées à recourir à plusieurs services dans leur communauté d’accueil. Il est extrêmement important qu’elles puissent recevoir tout le soutien nécessaire et que les professionnels qui interviennent dans leur dossier soient en mesure de bien comprendre leur réalité et de faire le lien entre les différents services. Les organismes communautaires mandatés par le MIFI deviennent alors le pivot central dans le soutien de ces personnes immigrantes.

L’importance de la formation

La Table de concertation au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) accompagne ces 14 organismes en organisant avec eux des formations multisectorielles dans les localités d’accueil des RPCE. La TCRI s’est engagée à tenir une formation par année dans chacune des 14 villes d’accueil. Elle est notamment offerte à l’intention des intervenants des milieux de la santé, de l’emploi et de l’éducation. Ces formations visent à ce que les services s’adaptent aux réalités et aux besoins des personnes RPCE. Elles offrent aussi un espace aux partenaires pour mieux connaître les ressources des organismes d’accueil et vice-versa. La TCRI offre des formations depuis une dizaine d’années et ne cesse de les renouveler en raison des défis grandissants vécus dans les régions.

Plus les milieux sont bien préparés, plus la personne réfugiée et sa famille recevront un accompagnement adéquat. Pour éviter de réinventer la roue, les organismes et leurs partenaires partagent les pratiques adaptées aux réalités des personnes réfugiées qui ont fait leurs preuves.

Réfugiés parrainés par la collectivité

Les personnes réfugiées qui arrivent par l’entremise du programme de parrainage privé de réfugiés sont prises en charge pendant un an par leurs parrains. Ces derniers sont responsables d’eux durant cette première année et doivent subvenir à leurs besoins. Les personnes réfugiées peuvent également recourir aux organismes communautaires dédiés à l’intégration des personnes immigrantes, mais ne recevront pas de soutien aussi important que celui reçu par les RPCE, car il est entendu qu’il revient aux parrains de le donner.

Demandeurs d’asile

Au Québec, les services offerts aux demandeurs d’asile sont limités. Certains organismes communautaires offrent tout de même une gamme de services d’accueil, d’établissement et d’employabilité sous d’autres couverts financiers, mais cela reste marginal. L’accès aux services pour les demandeurs d’asile constitue le nerf de la guerre en matière d’intégration. Il est d’autant plus important qu’ils aient accès aux services dans un contexte de régionalisation. Il est impensable de régionaliser des personnes qui n’ont pas accès aux services gouvernementaux. Cela reviendrait à séparer l’être humain du travailleur qui vient combler des besoins de main-d’œuvre en région.

Conclusion

Le programme de régionalisation des RPCE depuis de nombreuses années a incité le milieu à se mobiliser par le rôle central que joue les 14 organismes d’accueil. Il reste encore beaucoup à faire pour sensibiliser les milieux en région à adapter leurs pratiques. En ce qui concerne les demandeurs d’asile, il a été possible de constater que l’accès aux services reste très limité et insuffisant. La volonté du gouvernement du Québec de régionaliser les demandeurs d’asile ne peut se faire sans l’ouverture des services et l’adaptation des pratiques et programmes. À cet effet, il sera intéressant de suivre de près le projet-pilote qui a été annoncé au dernier budget provincial de 2023-2024. La pénurie de main-d’œuvre peut à juste titre être répondue par les réfugiés et demandeurs d’asile, car ils possèdent des compétences inestimables pour le Québec. Toutefois, les conditions sociales doivent être mises en place pour assurer une inclusion juste et équitable.

[1] UNHCR : Convention et protocole relatifs au statut des réfugiés. En ligne : HCR - Convention et Protocole relatifs au Statut des Réfugiés (unhcr.org)

[2] CERDA : Les personnes réfugiées au Canada. En ligne : Les personnes réfugiées au Canada - CERDA - Centre d’expertise sur le bien-être et l’état de santé physique des réfugiés et des demandeurs d’asile

[3] Stéphanie Arsenault (2014). Mieux comprendre l’accueil des réfugiés pris en charge par l’État dans les régions du Québec à travers le regard des intervenants qui les accompagne. En ligne : Microsoft Word - EDIQSCOPE_No14_10dec.docx (ulaval.ca)

[4] Rousseau, C. (2018). Addressing Mental health Needs of Refugees, The Canadian Journal of Psychiatry, 63(5), 287-289. En ligne: https://doi.org/10.1177/0706743717746664